philippe martin (pseudo RP : Flip)
son site web : http://www.philippemartin.es/
la péninsule du Yucatan
Le
Mexique est un pays très vaste : il faudrait y séjourner très
longtemps, et parcourir de très longues distances, pour prétendre en
avoir une vision d'ensemble, aussi approximative soit-elle. Ce n'est pas
mon cas : je n'y suis resté qu'un peu plus de trois semaines, au cours
desquelles j'ai fait de l'ordre de 4 000 km au volant d'une voiture de
location, dans la péninsule du Yucatan et l'état du Chiapas. Ce qui, à
l'échelle du pays, est bien peu de chose. D'autre part, le Yucatán et le
Chiapas sont deux univers tellement différents, qu'il serait dommage de
les rassembler dans un même carnet de voyage. C'est pourquoi j'ai
choisi de me limiter à la péninsule du Yucatan, constituée par les états du Yucatan au sens strict, du Quintana Roo et de Campeche.
D'un
point de vue photographique, c'est un voyage assez mémorable puisque
c'est l'année de mon passage à l'argentique. Paradoxalement, j'ai donc
choisi de faire ce carnet de voyage sur une région dont je ne garde
aujourd'hui, en valeur relative, que très peu de photos. Mon équipement
se limitait à un Nikon FM2 monté avec un 50 mm (je crois), et un Yashica
Mat 124G. Il y a du noir et blanc et de la couleur (la plupart, avec
des films achetés sur place datant souvent du préclassique maya), et
puis des formats différents.
Pour
commencer, j'aimerais souligner que je ne souhaite à personne de passer
ses vacances sur la Riviera Maya. Et encore moins à mon pire ennemi :
il aimerait sans doute trop çà. Pourtant, débuter ce séjour dans la
ville de Cancún présentait un avantage de poids : celui de
pouvoir acheter des billets d'avion à un tarif très abordable depuis
l'Europe. Et plus encore en cette année 2009, où la grippe porcine et
son lot de désinformation et mercantilisme de la part des laboratoires
pharmaceutiques, comme toujours avec la complicité de l'OMS, avaient
causé de lourdes pertes au secteur du tourisme mexicain.
Tout
le monde sait que les charters et billets d'avion bon marché sont
capables de transformer le plus beau des paradis naturels en enfer
touristique. Mais il faut reconnaître que les Mexicains font ici preuve
d'une grande intelligence : une invention extraordinaire, la margarita,
leur permet de cantonner sur une frange littorale de 2 ou 3 kilomètres
la plupart des gringos ayant soif de tout sauf d'aventures, malgré leurs
chapeaux d'Indiana Jones.
C'est
ainsi qu'à seulement quelques kilomètres de ces marées humaines,
imbibées d'huile solaire et de téquila, se trouve par exemple Punta Allen.
Un havre de paix défendu par la meilleure des forteresses : une route
étroite constellée de nids-de-poule, infranchissable en autobus. Ce
village ancré au bout d'une fine langue de terre en plein cœur de la
réserve de biosphère de Sian Ka'an, vit au rythme de la pêche, de la
sieste et de la Negra Modelo…
Après une promenade en barque dans la réserve, où abondent pélicans, dauphins, tortues et étoiles de mer géantes, nous gagnons une sorte de buvette, tel un mirage sur une plage au sable aveuglant. Ce que nous ne savons pas, c'est qu'il faudra attendre le retour de la pêche, l'allumage du barbecue et une très lente cuisson avant de pouvoir déguster l'éternel et unique plat du jour annoncé sur l'ardoise : du poisson grillé. De toute façon, après plusieurs rancheras entonnées par le médecin mélomane du village et un nombre indéterminé de bières glacées, qui se souvient encore que nous étions venus là pour manger ?
Après une promenade en barque dans la réserve, où abondent pélicans, dauphins, tortues et étoiles de mer géantes, nous gagnons une sorte de buvette, tel un mirage sur une plage au sable aveuglant. Ce que nous ne savons pas, c'est qu'il faudra attendre le retour de la pêche, l'allumage du barbecue et une très lente cuisson avant de pouvoir déguster l'éternel et unique plat du jour annoncé sur l'ardoise : du poisson grillé. De toute façon, après plusieurs rancheras entonnées par le médecin mélomane du village et un nombre indéterminé de bières glacées, qui se souvient encore que nous étions venus là pour manger ?

A
propos de manger, une petite parenthèse s'impose sur la cuisine
mexicaine. En réalité, la gastronomie du pays offre très peu de variété.
Le gros avantage, c'est que vous pouvez fermer les yeux et pointer du
doigt n'importe quel plat au hasard de la carte, vous y trouverez
toujours les mêmes ingrédients : maïs, purée de haricots, guacamole,
piment, fromage, viande (poulet ou bœuf). La
tortilla est sans conteste le produit de base de cette alimentation.
Dans les villages les plus reculés, elle est élaborée sur le
traditionnel comal, au feu de bois. Attention, sachez que les tortillas
que vous trouverez au Mexique ne sont pas à base de farine de blé, comme
dans les restaurants tex-mex américains ou européens, mais de maïs.
Quant aux piments, ne faites pas votre intéressant. Si un Mexicain vous dit que c'est fort, c'est que c'est vraiment fort. Personnellement, j'aime beaucoup les piments qui piquent, mais en voyage je préfère passer pour un petit joueur que trois jours sur le trône avec des brûlures d'estomac…
Nous avons vécu une expérience similaire à celle de Punta Allen, cette fois-ci à Rio Lagartos,
tout au nord de la péninsule. Mais cette fois-ci, c'était prémédité :
j'avais contacté à l'avance une personne qui nous avait préparé
l'hébergement, la nourriture et les promenades dans la réserve, qui est
l'un des principaux sanctuaires de flamants roses au monde. Dès
l'apparition des premières ruelles de ce village, inondées par les
rayons du soleil cruellement décuplés sur les murs blanchis à la chaux,
la route si longue, si droite, traçant un chemin apparemment vain au
milieu d'un paysage morne et plat, prend soudain tout son sens : les
quelques habitants de cette bourgade tournée vers les eaux transparentes
de la mer des Caraïbes assistent en continu à un merveilleux
documentaire sur la faune et la flore de la mangrove tropicale.
Le voyage se poursuit.
Sur une carte, les distances sont courtes, mais la route est parfois bien
longue. Tout comme les villes au quadrillage typique des pays vastes et plats,
l'infrastructure routière sur ce territoire semble avoir été tracée à grands
coups de pelleteuse sans conducteur. Bien qu'en excellent état, les routes
s'étendent toutes droites, mortelles d'ennui, au milieu d'un paysage souvent
sans grand intérêt : aucun relief, une végétation dense omniprésente. Les
dos d'âne d'une hauteur impressionnante à l'entrée des villages et les limites
de vitesse ne permettent pas d'abréger le calvaire, décuplé par la chaleur
torride. Ce phénomène s'accentuera au fur et à mesure que nous descendrons vers
le Chiapas, où il est parfois impossible, malgré le bon état des routes, de
faire une moyenne de plus de 40
km/h. À propos des limites de
vitesse, nous avons toujours conduit avec une certaine prudence, compte tenu de
la triste réputation des policiers sur les forums de voyageurs. Après plusieurs
milliers de kilomètres, j'ai bien peur de devoir briser ce mythe : tous les
policiers auxquels nous avons eu à faire étaient d'une amabilité écœurante,
serviables et désintéressés. La fameuse mordida
n'est sans doute pas qu'une légende urbaine, mais tout dépend, là encore, de
l'endroit où l'on se trouve.
Deux ou trois heures suffisent à rejoindre Valladolid depuis Cancún. Cette
ville nous plonge dans un Mexique profond, austère. Là encore, nous sommes
surpris d'une telle décharge d'authenticité à seulement quelques dizaines de
kilomètres de la Riviera. De
larges rues bordées de maisons basses aux couleurs vives, de vieilles Ford ou
Dodge rafistolées (mais aussi des Coccinelles, il y en a partout), des gens a
priori sans grande chaleur mais d'une amabilité déconcertante.
Nous retrouverons cette même ambiance, que nous imputons en partie à un lourd passé colonial, dans la plupart des villes que nous visiterons.
Nous retrouverons cette même ambiance, que nous imputons en partie à un lourd passé colonial, dans la plupart des villes que nous visiterons.
La "ville jaune" d'Izamal et son magnifique
monastère du XVIe siècle est justement l'exemple parfait de ces villes
coloniales. Elle est entourée de petites collines, ce qui est étonnant compte
tenu de l'orographie de la région : il s'agirait en réalité d'anciennes
pyramides et autres structures construites par l'homme. La ville fut en effet
fondée sur une ancienne cité maya. Le monastère lui-même se dresse sur
l'ancienne acropole. À l'instar des autres édifices religieux, il fut érigé
avec les pierres de l'Empire détruit. Un comportement assez fréquent dans
l'Espagne de l'Inquisition qui, récemment délivrée de l'occupation musulmane,
ne trouva de meilleur sacrilège que celui de construire une cathédrale au beau
milieu de la grande mosquée de Cordoue.
Ce fut là notre premier (et triste) contact avec cette
riche et puissante civilisation. L'un des principaux attraits de cette région
du Mexique est en effet son
patrimoine archéologique. Encore aujourd'hui des cités englouties sont
découvertes au beau milieu de la forêt, parfois à seulement quelques kilomètres
de grandes villes…
Chichén Itzá n'est que le plus connu des
dizaines de sites que l'on pourrait visiter. Il faut reconnaître que ses
pyramides sont spectaculaires. Mais la proximité des resorts en fait une
véritable industrie. Le gigantesque parking d'autobus à l'entrée et les
boutiques de souvenirs n'aident pas le visiteur à se laisser transporter par la
magie des lieux. Les vieilles pierres ont en outre été tellement restaurées que
je me suis surpris plusieurs fois à toucher ce que je pensais être du
carton-pâte. La visite est cependant incontournable, mais de préférence en
compagnie d'un guide (il y en a plein à l'entrée : pour un prix modique,
la visite n'en sera que plus rapide et surtout intéressante). À visiter très
tôt le matin pour échapper à la chaleur et aux touristes de la Riviera qui
arrivent généralement en milieu de matinée. Pour cela, il est recommandé de
passer la nuit tout près et d'être sur place dès 8 heures.
Même s'ils apparaissent
plus rarement sur les dépliants des agences de voyages, nous découvrirons qu'il
existe bien d'autres sites alternatifs. C'est le cas d'Ek Balam, tout près de
Valladolid, bien moins fréquenté, où la forêt est encore très présente, ce qui
ne gâche rien.
Mais le site le plus
extraordinaire est de loin celui de Calakmul, au cœur de la réserve du même nom
classée au patrimoine mondial de l'UNESCO, que nous découvrirons à la fin de
notre périple. Il s'agirait de la plus grande cité de toute la péninsule,
appartenant sans doute au même domaine que Tikal, au Guatamela, dont nous
sommes finalement tout près. Les fouilles n'y ont
commencé que récemment, et les 60 km de piste qu'il faut réaliser pour y
accéder suffisent à empêcher la plupart des circuits organisés de s'y rendre.
Ayant eu la chance de pouvoir réserver une chambre dans l'hôtel situé juste à
l'entrée du parc, nous avons décidé de visiter le site juste avant la tombée de
la nuit. Nous y étions absolument seuls. La forêt tropicale exerce toujours sur moi une grande
fascination : un sentiment mêlé d’angoisse contrôlée et de bien-être spontané.
Mais ici, au milieu des ruines immobiles de cette civilisation engloutie, dans
le brouhaha des singes hurleurs désespérément invisibles à nos yeux de citadins
(myopes, qui plus est), la sensation n'en est que décuplée…
Nous grimpons tout en
haut des pyramides, ce qui est aujourd'hui formellement interdit sur des sites
comme Chichén Itzá ou Palenque. Prudence tout
de même, les marches sont hautes, l'inclinaison très forte et la descente bien
plus dangereuse que la montée (la faire à l'envers, comme sur une échelle).
Malgré leurs grandes avancées technologiques, les Mayas n'avaient pas encore
inventé l'ascenseur, mais il faut dire que la plupart de ceux qui montaient au
sommet des pyramides n'étaient pas sensés en redescendre vivants. Un spectacle tellement
fascinant que j'en ai presque oublié de prendre des photos.
Pour ma part, il s'agit
sans aucune hésitation du moment culminant du voyage. Ce que je ne sais pas,
c'est ce qu'il en est aujourd'hui. Les choses évoluent si vite, surtout dans le
monde du tourisme : il suffirait qu'ils aient élargi cette piste d'accès
pour que ce site soit devenu un nouveau Chichén Itzá.
Si vous envisagez un
séjour dans cette partie du globe, je reste à votre disposition pour quelques
bonnes adresses, et des moins bonnes aussi. Pour ceux qui préfèrent
voyager depuis leur salon, sachez que l'ensemble de la péninsule du Yucatan, et
tout le voyage que nous avons réalisé, est aujourd'hui faisable virtuellement
en street view sur Google Maps. Même une partie de la route d'accès à Punta
Allen!
Incroyable mais vrai.
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mis en ligne le 8 juillet 2013
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Excellent reportage !
RépondreSupprimerSa donne envie d'y allé !
Janick
un reportage remarquable, avec des anecdotes, des conseils, bien dans l'esprit des Carnets de Voyage.
RépondreSupprimerSois en remercié Philippe,
Pierre
bel ouvrage reportage et belle promenade tant par les images que le rédactionnel , bravo Flip un "carnet réussi" pour ma part :o)))
RépondreSupprimerJe m'aperçois aujourd'hui, que j'avais omis de lire ton récit.
RépondreSupprimerC'est chose faîte, merci de cet excellent reportage, et tes magnifiques photos.
Bravo!
Un bien beau récit et des images remarquables
RépondreSupprimermerci oh grand Flip
José Manuel